À l’époque des grandes découvertes maritimes, Rabelais, Shakespeare et Bacon ont tous trois choisi de représenter une (ou des) île(s) imaginaire(s). Leurs œuvres, qui font ostensiblement appel à l’imaginaire le plus débridé, ne sont pas pour autant très différentes des authentiques récits de découverte de l’époque, où des voyageurs attestent de leur étonnement et de leur émerveillement devant les us et coutumes d’îles lointaines. Les Européens prennent conscience de l’extraordinaire diversité du monde, et les trois œuvres s’en font l’écho. L’île est ainsi l’occasion de remettre en cause les usages connus, de montrer qu’il existe des alternatives, voire de formuler une critique en règle des usages européens. De fait, ces trois œuvres relèvent à la fois de la satire (elles font, directement ou indirectement, la critique des sociétés, des institutions religieuses et des gouvernements de leur époque) et de l’utopie (elles esquissent ce que pourrait être un gouvernement parfait). Tiraillée entre critique et éloge, voire entre cauchemar et idéal, l’île est le lieu de tous les possibles.