En 1945, le nouvel ordre mondial fondé par la Charte des Nations Unies entend faire de la paix le ‘bien’ juridique suprême, et mettre ainsi fin à la répétition historique. Il s’agit de « préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances » (préambule de la Charte) ; une guerre totale, n’ayant épargné presqu’aucune population et caractérisée notamment par des violations graves du droit international humanitaire (bombardement de villes ouvertes, exécution de prisonniers, violences sexuelles, torture, entre autres), l’utilisation à deux reprises de la bombe atomique ainsi que l’entreprise d’extermination systématique d’environ six millions de Juifs en Europe (Holocauste). Les Alliés, vainqueurs de la Seconde guerre mondiale, décident par conséquent de faire de l’interdiction du recours à la force armée le principe fondateur – impératif ‑ de la nouvelle organisation mondiale et du multilatéralisme qu’elle institutionnalise, celui qui conditionne la réalisation de tous les autres droits (art. 2, §4, de la Charte). Et afin d’éviter l’impuissance passée de la Société des Nations, ils confient au Conseil de sécurité « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales » ainsi qu’un pouvoir de décision pour s’en acquitter. Cela dit, ils poursuivent aussi une ambition plus vaste puisqu’ils souhaitent « favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande » (préambule). La paix est par conséquent conçue lato sensu, de manière négative (éradication des guerres) et positive (création des conditions favorables à la coexistence pacifique des peuples), et de nombreuse branches du droit international sont mobilisées pour l’instaurer et la consolider.

Aujourd'hui, que reste-t-il du projet humaniste de coexistence pacifique de 1945 ? Comment le droit international a-t-il évolué pour tenter de servir au mieux cette grande vision d’un « monde commun » (au sens de P. Ricoeur) ? Comment le droit des Nations Unies résiste-t-il face aux multiples écueils qui guettent aujourd’hui le paradigme d’une paix mondiale conçue comme une normalité des relations internationales ‑ crise du multilatéralisme et des valeurs dites universelles, explosion du nombre de conflits armés non internationaux, retour éthique du recours à la force armée, instrumentalisation du droit international à des fins économiques, reconfiguration des relations humaines via les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle, guerres ‘technologiques’, régionalisation et fragmentation des ordres juridiques, etc. ?. Autant de questions auxquelles ce cours général de droit international entend apporter des éléments de réponse, en analysant comment le droit international entend limiter l’expression de la violence au sein de la communauté internationale et garantir au mieux l’ordre public international émergent, puis de quelles façons il est mobilisé pour défendre la conception westphalienne de la société internationale, divisée en Etats souverains, contre les menaces existantes (faillite des Etats et terrorisme, par ex.), et tenter de mettre en place une protection des ‘communs’ (droits de l’homme, environnement, espaces maritimes, etc.).