Leone GAZZIERO, « Le langage trompeur (III) : le pouvoir des mots dans la tradition aristotélicienne », Master 1 « Philosophie du langage » (Semestre 2/2023-2024, mardi 10h00-12h00, salle A1 538)

Comme le rappelait encore Jean Buridan, héritier en cela d’une longue et illustre tradition, la logique est – entre autres mais au premier chef – « exstirpativa falsarum rationum » (Iohannis Buridani summulae logicales, R. van der Lecq (ed.), Turnhout, Brepols, 2005, Prooemium, 7.11-12), c’est-à-dire qu’elle a un rôle thérapeutique vis-à-vis de l’âme qu’elle est appelée à purger de ses erreurs. Cette purification consistait pour l’essentiel à faire le tri entre bons et mauvais arguments tels qu’ils sont formulés dans et par le langage naturel – ce qui explique l’intérêt tout particulier que la logique des Latins a pour la philosophie du langage, dans la mesure où son domaine d’application était celui d’une langue naturelle plutôt que d’un langage formel ou formalisé.

Le cours explorera les outils que les logiciens de la tradition médiévale de langue et culture latine ont développé pour repérer et neutraliser les « fallaciae », c’est-à-dire les pseudo-arguments ou les raisonnements qui n’infèrent pas correctement leur conclusion tout en donnant l’impression de le faire. Une attention tout particulière sera réservée aux « fallaciae » dont le ressort coïncide avec une anomalie linguistique (homonymie, amphibolie, division et composition, forme de l’expression, etc.). Nous étudierons la façon dont les Latins ont disséqué leurs mécanismes et les leçons qu’ils ont tirées pour comprendre la nature du langage et ses bonnes pratiques.

Bibliographie indicative :

Textes

Aristotelis de sophisticis elenchis, M. Hecquet (ed.), Paris, Vrin, 2019 (L.-A. Dorion, Aristote. Les réfutations sophistiques, Montréal, Presses de l’Université Laval - Paris, Vrin, 1995 ; M. Hecquet, Aristote. Réfutations sophistiques, Paris, Vrin, 2019).

Aristotelis De Sophisticis Elenchis Translatio Boethii, Fragmenta Translationis Iacobi et Recensio Guillelmi de Moerbeke, B.G. Dod (ed.), Leiden, Brill, 1975.

Logica Modernorum, L.M. de Rijk (éd.), Assen, Van Gorcum, 1962 (vol. I : On the Twelfth Century Theories of Fallacy), 1967 (vol. II : The Origin and Early Development of the Theory of Supposition).

Anonymi Cantabrigiensis Commentarium in Aristotelis Sophisticos Elenchos, S. Ebbesen (ed.), Copenhagen, Det Kongelige Danske Videnskabernes Selskab, 2019.

Etudes

L. Cesalli, « Medieval Logic as Sprachphilosophie », Bulletin de philosophie médiévale, 52, 2010, p. 117-132; L. Cesalli, « Faut-il prendre les mots au mot ? Quelques réflexions logico-sémantiques sur le pouvoir des mots », dans N. Bériou, J.-P. Boudet et I. Rosier-Catach (éd.), Le pouvoir des mots au Moyen Age, Turnhout, Brepols, 2014, p. 23-48.

S. Ebbesen, « Review Article. Union Academique Internationale Corpus Philosophorum Medii Aevi. Academiarum consociatarum auspiciis et consilio editum. Aristoteles Latinus VI I-3 De Sophisticis Elenchis Translatio Boethii, Fragmenta Translationis Iacobi, et Recensio Guillelmi de Moerbeke, Edidit Bernardus G. Dod, Leiden (E J Brill) & Bruxelles (Desclee de Brouwer), 1975 Pp XLII + 152 », Vivarium, 17, 1979, p. 69-80; S. Ebbesen, Commentators and Commentaries on Aristotle’s Sophistici Elenchi. A Study of Post-Aristotelian Ancient and Medieval Writings on Fallacies, Leiden, Brill, 1981; S. Ebbesen, « The Way Fallacies were Treated in Scholastic Logic », Cahiers de l’Institut du Moyen Age Grec et Latin, 55, 1987, p. 107-134; S. Ebbesen, « Medieval Latin Glosses and Commentaries on Aristotelian Logical Texts of the Twelfth and Thirteenth Centuries », in C. Burnett (ed.), Glosses and Commentaries on Aristotelian Logical Texts, London, Warburg Institute, 1993, p. 129-177; S. Ebbesen (ed.), Sprachtheorien in Spätantike und Mittelalter, Tübingen, G. Narr, 1995

L. Gazziero, « “Utrum figura dictionis sit fallacia in dictione. Et quod non videtur”. A Taxonomic Puzzle or How Medieval Logicians Came to Account for an Odd Question by an Impossible Answer », dans L. Cesalli, A. de Libera et F. Goubier (éd.), Formal Approaches and Natural Language in Medieval Logic, Barcelona - Roma, Fédération Internationale des Instituts d’Etudes Médiévales, 2016, p. 241-269.

A. de Libera, « La logique médiévale comme logique naturelle (Sprachlogik) : vues médiévales sur l’ambiguïté », dans B. Mojsisch (éd.), Sprachphilosophie in Antike und Mittelalter, Amsterdam, Grüner, p. 403-437.

A. de Libera et I. Rosier, « La pensée linguistique médiévale », dans S. Auroux (éd.), Histoire des idées linguistiques, T. 2. Le développement de la grammaire occidentale, Liège, Mardaga, 1992, p. 115-186.

J. Magee, Boethius on Signification and Mind, Leiden, Brill, 1989.

I. Rosier-Catach, « Evolution des notions d’equivocatio et univocatio au XIIe siècle », dans I. Rosier-Catach (éd.), L’ambiguïté, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1988, p. 103-162.

T. Suto, Boethius on Mind, Grammar, and Logic. A Study of Boethius’ Commentaries on Peri hermeneias, Leiden, Brill, 2012.

A. Tabarroni, « Figura dictionis e predicazione nel commento ai Sophistici elenchi di Egidio Romano », Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale 2, 1991, p. 183-215; A. Tabarroni, « Figura dictionis nel commento di Duns Scoto sui Sophistici elenchi », Dianoia, 6, 2001, p. 85-97.