« On n’arrête pas le progrès »

Le cours portera sur quatre romans qui s’intéressent aux progrès exaltants et inquiétants du savoir et de la technique. Dans Les arpenteurs du monde, l’auteur Daniel Kehlmann retrace l’existence de deux grands savants, le mathématicien Carl Friedrich Gauss et l’explorateur Alexander von Humboldt, deux visionnaires qui vouent leur existence au savoir au point de lui sacrifier leur santé et toute possibilité de se faire comprendre de leurs contemporains. De même, dans L’inventeur, Miguel Bonnefoy s’intéresse aux premiers projets d’énergie solaire : leur concepteur, en décalage complet avec son époque, voit sa création lui échapper. Oliver Rohe s’intéresse aussi à un inventeur débordé par son invention dans Ma dernière création est un piège à taupes, qui porte sur l’ingénieur soviétique Mikhaïl Kalachnikov et sa plus célèbre invention, suivant les développements de l’homme (de l’enfance à la vieillesse) et de l’arme – depuis l’apparition des premiers fusils automatiques jusqu’à la mise au point de la célèbre AK-47, qui se répand inexorablement à travers le globe. Enfin, Mariusz Szczygiel inaugure son œuvre Gottland par un historique des chaussures Bata, modeste entreprise de cordonnier devenue une entreprise internationale et tentaculaire ; l’auteur s’intéresse ensuite aux univers du cinéma et des médias, ainsi qu’aux méthodes de la propagande, autant de domaines où un individu peut voir sa propre image lui échapper.

Ainsi le progrès scientifique et technologique, d’une inventivité fascinante, produit partout l’aliénation. De ce point de vue, ces œuvres, tout en remontant assez loin dans le temps (guerres napoléoniennes pour Kehlmann, milieu du XIXe siècle pour Bonnefoy, milieu du XXe siècle pour les deux autres), font état d’un questionnement bien contemporain.

 

BONNEFOY, Miguel, L’inventeur, Paris, Payot Rivages, 2020

KEHLMANN, Daniel, Les arpenteurs du monde (Die Vermessung der Welt, 2005), trad. de l’allemand par Juliette Aubert, Arles, Actes Sud, 2006 / Arles, Actes Sud [coll. « Babel »], 2009

ROHE, Oliver, Ma dernière création est un piège à taupes (2012), Arles, Actes Sud [coll. « Babel »], 2015

SZCZYGIEL, Mariusz, Gottland (2006), trad. du polonais par Margot Carlier, Arles, Actes Sud, 2008

Les étudiants (étrangers ou non) qui pratiquent l’allemand ou le polonais peuvent, bien sûr, se procurer les œuvres de Kehlmann ou Szczygiel en langue originale.