L’art de l’ekphrasis consiste à décrire un tableau pour le donner simultanément à voir et à connaître au lecteur par la seule force de la description: elle a donc longtemps été le lieu où se cristallise la rivalité traditionnelle de la peinture et de la littérature pour représenter le monde. Mais que se passe-t-il lorsque les tableaux décrits sont non seulement fictifs, mais faux, de purs tableaux de mots qui visent à tromper le lecteur ? Dans ces jeux de trompe-l’œil, la littérature redéfinit ses pouvoirs par opposition à la peinture et à l’histoire de l’art, mais elle interroge aussi la frontière du réel et de l’illusion, de la mimesis et du simulacre. Reste à savoir si c’est, comme le disait Perec, « pour le seul plaisir, et le seul frisson, du faire-semblant », ou si les pactes de lecture ludiques mais spécieux qui sont proposés au lecteur ne permettent pas d’amorcer une réflexion sur notre rapport à l’art et à l’histoire.

Corpus et éditions de référence :
Georges Perec, Un cabinet d’amateur [1979], Paris, Points, 2001.
Pierre Michon, Les Onze [2009], Paris, Gallimard, « Folio », 2011.
Maylis de Kerangal, Un monde à portée de main [2018], Paris, Gallimard, « Folio », 2020.