L’objectif de notre science semble être de découvrir les lois de la nature, de nous libérer de la croyance et de la superstition pour identifier les relations causales réelles qui gouvernent le monde naturel. La science révèlerait ainsi les secrets de la nature, nous offrant à la fois une maîtrise des phénomènes naturels et une connaissance du monde lui-même. Ces secrets prendraient la forme de lois nécessaires, une même cause produisant toujours nécessairement le même effet.
Cette conception de la science repose sur plusieurs présupposés :
(1) La nature suivrait la même logique que notre intelligence : ses lois auraient la même forme que notre rationalité logicienne. Les lois scientifiques seraient donc l’exacte traduction des lois naturelles.
(2) La science ne serait pas une construction humaine mais révèlerait la Vérité du monde lui-même.
Pendant ce cours, nous étudierons donc les prétentions de notre science, et plus généralement de notre connaissance. Nous tâcherons également de comprendre sur quoi reposent les régularités que nous observons dans le monde qui nous entoure, et que nous appelons « lois de la nature ». Nous nous demanderons ainsi si la nature suit notre logique. Et s’il y a un écart entre notre logique et celle du monde, comment évaluer une théorie scientifique ? Quels sont les critères de scientificité ? De vérité ? Il faudra également interroger l’unité du concept de « nature », qui nous fait parler des « lois de la nature » comme d’un tout, alors même que l’expression est utilisée aussi bien pour parler des lois physiques que de la sélection naturelle, et parfois aussi des régularités dans la psychologie humaine. « La nature » forme-t-elle un tout homogène ? Tous les phénomènes naturels seraient-ils gouvernés par un même type de causalité qui, à terme, pourrait être appréhendée par une science unique ?
Ces questionnements ont des enjeux contemporains : aujourd’hui, toute critique des théories scientifiques encourt le risque d’être taxé d’obscurantisme, tandis qu’une nouvelle forme d’obscurantisme (fake news, complotisme) risque de nous conduire à une forme de relativisme des savoirs, remettant en cause non seulement la science mais notre rapport objectif au monde. Mais l’analyse de ces questions nous conduira aussi à étudier l’histoire de la philosophie et des sciences. Il faudra tenter de comprendre comment ces questionnements se sont transformés au fil des différentes révolutions scientifiques qui ont constitué autant de bouleversements sur notre façon de concevoir la nature et notre rapport au monde.
En tentant d’élucider ce que nous entendons par « lois de la nature », le rapport qu’entretiennent réellement les lois de notre science avec les régularités de ce monde dit « naturel », nous étudierons ainsi les grands problèmes de la philosophie de la connaissance et des sciences, l’évolution de ces problèmes au cours de l’histoire et donnerons un aperçu des débats contemporains et des conséquences que les différentes conceptions philosophiques de la science peuvent avoir, non seulement pour le travail théorique mais aussi pour la pratique.