Titre du cours : Fiction et philosophie : métaphysique, imagination, langage   

Présentation du cours : Des mythes inventés par Platon aux fables philosophiques de Leibniz, du Pays des Centaures de Husserl à la Terre Jumelle de Putnam, en passant par le récit hobbesien de l’état de nature, jusqu’aux petits romans qui pointillent les belles pages de l’Être et le Néant, nombreux sont les exemples de ce que l’on pourrait appeler le caractère, à la fois, discret et inévitable des fictions philosophiques. Tour à tour utilisée pour illustrer d’une manière particulièrement saillante des thèses philosophiques, ou pour construire des arguments par l’absurde, pour créer des paradoxes ou fournir des contre-exemples, ou encore pour tester et bâtir le cadre d’usage de nouveaux concepts, la fiction semble omniprésente. Et elle semble d’abord s’inscrire au sein du discours philosophique, enchâssée dans des dispositifs heuristiques ou des modèles argumentatifs reconnus de tous temps comme étant à la fois légitimes et efficaces. Mais le philosophe sait pertinemment que la fiction vit aussi d’autres vies, autonomes, en dehors de la philosophie, des vies où elle est soumise à d’autres contraintes et produit d’autres effets. Il y a évidemment la fiction littéraire, laboratoire du possible, mais il y a aussi la fiction ordinaire, celle de la critique, du discours et de l’expérience. Ni utilisée dans le cadre d’un discours philosophique, ni créée par les effets de langue d’un écrivain ou d’un texte, la fiction n’est cette fois-ci que l’objet de référence, mentale ou linguistique, de tout un tas de pratiques et d’expériences ordinaires. De quoi parle-t-on lorsqu’on parle de Sherlock Holmes ? C’est bien Emma Bovary que j’imagine, lorsqu’en fermant les yeux je crois voir une jeune femme à la peau blanche et les longs cheveux noirs, mourante sur un lit ? Qu’est-ce qui rend vrais les énoncés de la critique littéraire, mais aussi ceux de ces critiques naïfs que nous sommes tous lorsque nous parlons de Sherlock Holmes ou Emma Bovary en croyant nous référer non pas à des individus réels mais bel et bien à des « personnages fictionnels » ? Qu’il s’agisse d’un cadre psychologique-intentionnel ou sémantique-linguistique, dans cette nouvelle vie, les fictions sont ce qui se trouve à l’autre bout de nos mots et de nos pensées, de nos affects et de nos actes d’imagination. But de ce cours, sera d’étudier tous ces problèmes, se situant entre philosophie du langage, phénoménologie et métaphysique.