Regroupant deux grands poètes du XXème siècle, chacun considéré comme classique dans sa langue, ce programme illustre les questions posées par ce que l’on pourrait appeler un lyrisme collectif. Tous deux porteurs d’une voix particulière, leur souffle poétique s’ancre dans des références à la fois mondiales (le substrat biblique ou la poésie antique par exemple) et propres à leur identité et au contexte de naissance des poèmes. Nous étudierons non seulement la portée des contextes de production des œuvres mais aussi les limites mêmes de cette contextualisation grâce au déploiement d’une parole poétique, qui amène à redéfinir la notion d’un lyrisme qui utiliserait l’intime pour mieux dire le collectif.

Dans ses entretiens, Mahmoud Darwich, sans doute le plus grand poète arabe du XXème siècle, cite à de nombreuses reprises Federico Garcia Lorca comme une référence. Classique en arabe, l’œuvre de Mahmoud Darwich est en elle-même comparatiste : nourrie de références mondiales, lue dans de nombreuses langues, elle est vraisemblablement une des plus accessibles aux lecteurs non arabophones. L’anthologie proposée, validée par le poète qui a lui-même choisi les poèmes qui la composent donne un aperçu diachronique de sa production et regroupe ses œuvres les plus célèbres, faisant entendre une voix personnelle marquée par les « changements des temps, [et les] cadences du paysage poétique universel[1]. » Plus connue sans doute, l’œuvre de Federico García Lorca offre à ce programme, au-delà du simple plaisir de relire et d’étudier le Romancero Gitan, la possibilité de s’interroger sur cette identité poétique collective propre à une langue et à une pratique littéraire.

Ce programme rassemble ainsi deux auteurs qui, aux prises avec l’Histoire et la mise à mal des identités collectives, ont proposé des pratiques de la poésie redéfinissant, chacun dans sa propre perspective, les rapports entre création artistique individuelle, prise en charge d’une énonciation collective et transformation du monde.


[1] Mahmoud Darwish, op. cit., préface de l’auteur.