Il s'agira dans ce cours de suivre la manière dont l'humanité occidentale, a tenté d'appréhender son environnement physique depuis l’Égypte hellénisée du premier siècle avant notre ère jusqu'à nos jours ou presque. L'évidence de vivre dans un monde où tout change, tout se modifie, tout apparaît pour disparaître avant de réapparaître sous une forme ou sous une autre, avait depuis longtemps conduit des penseurs à interpréter le changement. Mais, des artisans – de grands inconnus de l'Histoire - ont alors développé à Alexandrie un discours écrit sur les transformations de la matière en lien avec leur propre pratique professionnelle, avec pour ambition de les maîtriser et d'en jouer ; cette pratique s’apparentant même à un art presque « divin ». Ce n'est que bien plus tard que l'on parlera de chimie mais le fait est qu'une nouvelle science émerge suite à la rencontre de pratiques artisanales et d'écrits ayant pour vocation de rendre compte des transformations de substances travaillées dans des ateliers. Si les artisans sont les premiers grands acteurs de l'histoire de la chimie et le resteront très longtemps, c'est en effet parce que l’intérêt pour la matière et ses transformations est avant tout suscité et entretenu par une production de biens de consommation utiles aux sociétés (puis à l’État), et à l'occasion seulement par un désir de connaissances du monde physique qui nous environne (satisfaire les besoins de l’Homme en société prime sur la curiosité intellectuelle). Tout se joue en un même lieu, considéré suivant les moments comme ‘atelier’ ou ‘laboratoire’.

Il serait vain de penser la science en dehors de la société, tout autant que d’envisager un savoir particulier sans les rapports qu’il entretient avec d’autres savoirs. Aussi, dans ce cours, verrons-nous bien souvent les sciences de la nature mêlées à la médecine, au commerce et aux institutions officielles. Nous suivrons ainsi l’évolution des rapports entre une pratique concrète (et souvent professionnelle) de la matière et des pensées, des conceptions, des doctrines sur notre monde et notre place dans celui-ci ; le regard du savant étant inévitablement lié à un contexte déterminé par l’histoire, la culture, la politique, l’économie, etc., ce à toute époque.

Le regard sur les phénomènes de la matière, qui est le propos du cours, sera celui d’artisans, de médecins, de philosophes de la nature, de l’Alexandrie de -Ier siècle et de Byzance (pour la période IVe-VIIe s.) qui en posent les bases, aux mondes arabe et médiéval occidental (VIIIe - XVe s.), puis de la Renaissance aux XVIIe - XVIIIe s., pour arriver enfin au XIXe siècle, dans une incontestable continuité, mais avec, à chaque moment et pour les mêmes phénomènes observés, des considérations renouvelées.

=> Le cours pourrait se résumer par la question suivante : Le monde physique étant fixé, comment en est-on arrivé à percevoir différemment les mêmes choses (concernant la matière) au fil des époques ? C’est toujours aux mêmes phénomènes que nous assistons depuis une vingtaine de siècles et pourtant, régulièrement, notre regard sur eux se reconstruit, suivant l’évolution de notre rapport au monde.